Au fil du temps, les billets et articles de ce blog s'enfoncent dans la brume et l'oubli des archives ... surtout lorsque, comme celui-ci, ils sont un peu atypiques et ne peuvent donc, ou difficilement, être reliés avec des liens hyper-texte ... je vous repropose donc (en cinq parties) cette très intéressante conférence qui concerne un moment clef de l'Histoire ; au moment même où une petite flamme/désir de liberté et d'émancipation s'allume au cœur des femmes et des hommes au sud de la Méditerranée : Tunisie - Egypte etc ...
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Conférence intitulée : "2 janvier 1492 : la lumière s'éteint sur
Grenade"
Avec la fraternelle autorisation des talentueux auteurs :
mes amis Jacques C. et Colette M.
Prologue
DÉCOUVERTE ? INVASION ? RENCONTRE ? HASARD ? Le 12 octobre 1492, Colomb aborde l'île de San Salvador, aux Caraïbes.
Personne, cette année-là, n'entendit parler de cet exploit, et c'est beaucoup plus tard que l'évènement apparut dans toute son ampleur.
Pour les contemporains, en revanche, c'est la reddition de Grenade, dernier territoire arabo-berbère de la péninsule ibérique, qui fut le véritable évènement.
On le célébra avec éclat dans toute la Chrétienté comme une victoire sur l'ennemi de toujours, l'envahisseur du 8ème siècle, l'occupant illégitime de la terre sainte, l'obstacle à la reconquête de la rive nord de la méditerranée : en bref, le musulman. La conquête de l'Amérique n'eut lieu qu'à ce prix, et devant les pyramides aztèques, les espagnols se crurent face à une nouvelle variété de musulmans ! L'obsession !... Et l'on sait à quel point l'obsession dure...
Pour Al Andalus, comme on appelait alors les royaumes musulmans d'Espagne, la fin de Grenade ne fut que l'ultime combat de cette « Reconquista » entamée par la prise de Tolède, en 1085.
Les symboles pèsent lourd dans l'Histoire. Près de 8 siècles d'une civilisation qui atteint le sommet de sa splendeur au temps du Califat de Cordoue, entre 929 et 1030, s'engouffraient dans la nuit des temps. Ainsi s'évanouissent les Empires, les Royaumes et les Républiques. Et quand les civilisations, que l'on sait mortelles, disparaissent, celles qui leur succèdent s'emparent souvent de leurs savants, de leurs penseurs, de leurs artistes, et prennent ainsi rang dans le patrimoine commun de l'Humanité.
C'est ainsi que LA civilisation, au dessus DES civilisations, se perpétue.
La marche en avant serait irrésistible s'il n'y avait pas d'étranges oublis.
Toutes les civilisations sont hélas amnésiques. La nôtre, par exemple, rend très justement hommage aux grecs et aux romains, mais oublie toujours curieusement le maillon arabe, et particulièrement andalou.
Pour l'Inde ou la Chine, on peut comprendre l'ignorance : elles ont cheminé sur d'autres routes, mais l'Andalousie, c'est notre passé, notre filiation, tout autant que la Grèce ou Rome.
Louis Aragon, dans ''le fou d'Elsa'', rend magnifiquement hommage à Grenade :
« Qu'est-ce qu'un français sait de l'histoire de l'Egypte, de la Tunisie, de l'Algérie, du Maroc, du Mali, du Soudan ou de l'Espagne musulmane, simplement. Il m'est arrivé que c'est par l'Espagne que je suis entré dans l'intimité de cette âme islamique où tout m'était étranger. »
Cette année 1492 est une double occasion de méditer puisque 3 mois après la chute de Grenade, juif et musulmans, qui avaient vécu ensemble sur la terre d'Espagne, étaient expulsés ensemble, pour se retrouver souvent ensemble en terre d'exil.
Voilà fixé le cadre de notre mémoire rebelle à l'Andalousie, et plus largement celui du rejet et de l'expulsion de
l'Autre comme consécration de sa propre identité.
à suivre ...