AÏDA - Représentation du 10 Août 2009 - critique.
Pour le dixième anniversaire de sa création, les
Soirées lyriques de Sanxay nous proposent, ce soir, un spectacle d’une qualité exceptionnelle. Le dispositif scénique est grandement amélioré et l’ajout d’un écran de sur titrage permet à tous
de suivre les péripéties, parfois, compliquées, du célèbre opéra de Verdi … Un système de mur mobile, qui s’escamote par les côtés de la scène permet de créer des espaces propices au drame,
puisque le livret d’Antonio Ghislanzoni (d'après une scénario de l'égyptologue Auguste Mariette) fait alterner des scènes intimistes et des moments héroïques. La mise en scène
intelligente et subtile d’Antoine Selva permet à chacun des protagonistes de développer en profondeur le caractère de son personnage. Du décor aux costumes, en passant par l’évolution
des personnages sur la grande scène du théâtre antique de Sanxay, tout concours à l’harmonie et à la fidélité au livret ; sans tomber dans les outrances habituellement de mise dans les
représentations d’AÏDA. (voir argument + Vidéos)
Lumières, couleurs, engagement de tous, sans oublier l’extraordinaire acoustique du lieu (une expérience unique en son genre pour écouter les voix et les instruments, sans aucune réverbération), tout fait lien entre la scène et le public.
Didier Lucchesi emmène avec brio et efficacité l’orchestre, les chœurs et les solistes, il maintient sans effort apparent la cohésion de l'ensemble … ce qui n’est pas une mince affaire, l’opéra en plein air est toujours une gageure.
Le ciel, clément cette année, la température plus que supportable nous permet de nous concentrer sur l’essentiel : la Musique. Et là, que de satisfactions … Au-delà de l’œuvre bien connue de Verdi et de ses morceaux de bravoure, réside l’émotion musicale, la vibration commune qui rassemble tous et toutes dans un même temps partagé.
268 est le nombre de personnes qu'il a fallu pour monter
ces quatre représentations du mois d'août 2009 de l'opéra de G. Verdi, AÏDA :
70 musiciens - 90 choristes - 8 solistes -
40 figurants - 40 techniciens - 12 cadres - 8 danseurs.
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Dans les trois principaux rôles trois jeunes chanteurs internationaux : dans le rôle d’Aïda, Maria-José SIRI (qui remplaçait Roxana Briban souffrante) fait une composition exceptionnelle, tant vocale que scénique. Elle déploie avec aisance son grand Lirico-spinto (voix de soprano puissante avec des graves sonores) avec force et précision, la justesse de sa voix est irréprochable, un léger vibrato – un peu inquiétant chez une cantatrice de son âge – entache une émission malgré tout très homogène qui emplit sans effort l’immensité du lieu. Belle jeune femme, elle incarne une Aïda crédible, puissante et extravertie. Son tempérament l’amène à négocier les passages de bravoure (Ritorna vincitor) avec brio, on l’entend distinctement même « au-dessus » de l’orchestre et des chœurs chantant fortissimo … Que de qualités vocales chez cette jeune femme, de nationalité uruguayenne notes filées mezzo-voce, dans l’air : « Ô patria mia », timbre corsé et sonore, art du chant manifeste, technique irréprochable … À l’opposé de la petite esclave éthiopienne soumise, elle incarne une Aïda maîtresse d’elle-même, tentant d’infléchir son destin.
En face d’elle, le Radames du jeune ténor brésilien Thiago Arancam. À 27 ans il interprète plus qu’honorablement ce rôle si difficile, dès l’entrée en scène il faut chanter le redoutable : « Celeste Aïda », sa belle voix manque un peu du brillant et du panache du ténor verdien qu’il va manifestement devenir. Sa présence vocale s’améliore au cours de la représentation et la scène finale, si émouvante, puisqu’elle montre l’horrible fin des amants incompris, est un morceau d’anthologie.
Le cas de la mezzo-soprano polonaise Malgorzata Wallewska est plus difficile à analyser. Sa voix est exactement celle du rôle d’Amnéris (fille de pharaon), mezzo-soprano dramatique, ce qui est finalement assez rare. Malheureusement elle chante en accentuant fortement chacun de ses registres et, comme elle est dotée d’un vibrato très large qui fait bouger sa voix, elle se bat toute la soirée pour unifier ses registres : un grave « poitriné » très sonore, un médium sourd et presque détimbré et un registre aigu gagné de haute lutte … malgré tout cela elle campe une Amnéris forte et désespérée, vocalement très engagée. Efficacité et « métier » lui permettent de jouer ce rôle de « passeur d’émotion » dévolu aux chanteurs d’opéra.
Une mention spéciale pour Balint SZABO, Basse roumaine (qui chantait l’an passé le requiem de Verdi) dans le rôle du Grand Prêtre Ramfis, et pour l’Amonasro de Michele Kalmandi, remarquable Baryton hongrois.
Une magnifique soirée où, comme ce devrait toujours être le cas, étaient présentes les moindres intentions du compositeur et du librettiste, sans oublier le "Grand Spectacle" que constitue cette forme musicale … L’enchanteur Verdi était à l’œuvre ce lundi soir, le plaisir et l’émotion étaient là aussi.
A Sanxay, c’est certain, on sait ce qu’Opéra veut dire !
14 Août : Une vidéo de l'air d'entrée de
Radames malheureusement accompagnée de beaucoup de bruits intempestifs mais qui permet de se faire une petite idée de cette superbe représentation.
- "Céleste Aïda" par le ténor Thiago Arancam (en compagnie de
Maria-José SIRI - Aïda) dont je parle plus haut.