Janet Baker - Rückert lieder - Gustav Malher

En cadeau de fin d'année, je vous repropose cette oeuvre sombre et introvertie de Mahler, toute de beauté et de délicatesse, pour faire bonne mesure avec la joie - parfois une peu forcée - de Noël et du "jour de l'an".
Le Yin et le Yang, en quelque sorte !

Gustav Mahler "Rückert lieder"

"Ich bin der Welt abhangen gekommen"

Trois chefs d'oeuvres sur cette page : d'abord l'extraordinaire musique que Gustav Mahler à composé pour ce lied, ensuite le superbe poème de F.Rückert sombre et désespéré - comme il se doit - et, (raison d'être de ce billet), l'interprétation insurpassable de Dame Janet Baker. Elle transcende les intentions de Mahler et Rückert et les rend avec intelligence, sensibilité et un art du chant qui n'appartient qu'à elle.. Sa voix traduit la moindre émotion et la transmet ... sa couleur vocale - son timbre - (il rappelle celui du violoncelle) se mêle admirablement au son mélancolique du cor anglais et le lied s'achève comme un écho, un murmure ... dans un souffle ...

Repères :
Gustav Mahler (1860-1911) il compose ce lied en 1902
Rückert lieder : cycle de 5 lieder, celui qui nous occupe est le N°5.
Friedrich Rückert (1788-1866) poète et traducteur allemand auteur de  "Ich bin der Welt abhangen gekommen".
Janet Baker : Cantatrice anglaise née en 1933 - Janet Baker mezzo-soprano - Les nuits d'été Hector Berlioz -

Ich bin der Welt abhangen gekommen,
mir der ich sonst viele Zeit verdorben,
sie hat so lange nichts von mir vernommen,
sie mag wohl glauben, ich sei gestorben !

Es ist mir auch gar nichts daran gelegen,
ob sie mich für gestorben hält,
ich kann auch gar nichts sagen dagegen,
denn wirklich bin ich gestorben der Welt.

Ich bin gestorben dem Weltgetümmel,
und ruh in einem stillen Gebiet.
Ich leb allein in meinem Himmel
in meinem Lieben, in meinem Lied

Me voilà coupée du monde
dans lequel je n'ai que trop perdu mon temps;
il n'a depuis longtemps plus rien entendu de moi,
il peut bien croire que je suis morte !

Et peu importe, à vrai dire,
si je passe pour morte à ses yeux.
Et je n'ai rien à y redire,
car il est vrai que je suis morte au monde.

Je suis morte au monde et à son tumulte
et je repose dans un coin tranquille.
Je vis solitaire dans mon ciel,
dans mon amour, dans mon chant.

Comments

[Moi]

Il me semble que le beau est associé à une notion de plaisir or ce chant me glace d'horreur.


 


Comme cette femme a dû et doit souffrir pour en arriver là !  


Jamais une femme heureuse ne se "coupe du monde", bien au contraire : elle crie sa joie !  Tout juste s'isole-t-elle, peut-être, pour dire au ciel des choses personnelles que le monde n'a
pas à entendre.


 


Lorsque c'est un choix, une personne s'isole. Quand on dit qu'elle s'est "coupée du monde", c'est généralement qu'il était plus commode pour le monde de l'ignorer !


 


Je n'appréciais guère Mahler quand je ne comprenais pas les paroles alors maintenant...... LOL


Cordialement

[ANTIOCHUS]

Bonjour Moi, bienvenue sur ce blog ...
Le beau n'est pas toujours associé au plaisir ou à la joie .. en l'occurence et s'agissant du poème romantique choisi par Malher, il y a aussi une certaine beauté dans la tristesse, dans le
renoncement et le désespoir ... ainsi en va-t-il des héros romantiques du 19ème siècle ... Mais vous avez bien compris puisque vous écrivez : "Comme cette femme a dû et doit souffrir pour en
arriver là !"
Aujourd'hui, un billet concernant l'Oratorio de Noël de J.S. Bach - qui peut-être vous plaira ... je vous le dédicace ... Je vais aller voir votre blog !
Antiochus

[Catharsis]

l'esprit de curiosité... ne cadre pas avec ton choix ...

Ces deux vers, c'est mon fond (et crois-bien que je n'en tire aucune satisfaction). Mais en arrière-fond réside en moi le "secret espoir" de pouvoir regagner notre monde, de parvenir à le vivre à
nouveau pleinement et ce, sans avoir me dire systématiquement (ou presque) "mais à quoi bon?"
Alors je cherche sans savoir ce que je cherche, prêt à tout entendre et à tout voir, espérant rencontrer l'indice, le déclic, qui m'amènera à revisiter en profondeur ma manière d'appréhender
l'existence.

Voilà voilà...

[ANTIOCHUS]

Ah, je savais bien que derrière la désespérance il y avait l'espoir ...
"Alors je cherche sans savoir ce que je cherche, prêt à tout entendre et à tout voir, espérant rencontrer l'indice, le déclic, qui m'amènera à revisiter en profondeur
ma manière d'appréhender l'existence."
Cette phrase me touche énormément Catharsis ... avancer sur le chemin, rechercher, même sans savoir quoi ... est le plus sur moyen de SE trouver !
Je parle souvent du "Chemin" sur le blog particulièrement Là

[Catharsis]

J'avoue ne pas être un fervent adepte des opéras, pas plus que je ne suis attiré par tout ce qui me ramène de l'après moyen-âge jusqu'au siècle des lumières (ou en a la consonance dans mon
esprit).
Hormis la peinture et la sculpture, quelques philosophes tel que Montaigne, Spinoza et certains matérialistes, et du fait de mon regard sur l"aventure humaine de ces siècles (surtout Française), je
n'arrive plus à apprécier à leurs justes mesures toutes les œuvres (y compris contemporaines) qui s'y rapportent.

J'ai bien conscience qu'en matière d'art (ou littéraire), mon blocage est quelque peu ridicule, mais bon, c'est ainsi.

Néanmoins j'ai trouvé la voix de Janet Baker très douce, très agréable et son interprétation apaisante. Quant au poème, mais pour d'autres raisons que celles liées à son contexte, je retiens ces
deux vers :

Me voilà coupé du monde
Dans lequel je n'ai que trop perdu mon temps

Bien à toi Antiochus!

[ANTIOCHUS]

Merci Catharsis d'avoir fait l'effort d'écouter Janet Baker malgré le "blocage" que tu décris ... L'art tend à l'universalité (c'est même pour cela qu'il est Art !) ... quel dommage de
mettre des cloisons qui l'entravent dans sa quête de vérité ... mais, comme tu dis, c'est ainsi !
Tu as choisi les deux vers les plus pessimistes du poème de Rückert (déjà bien sombre) ... l'esprit de curiosité et d'attention aux choses nouvelles que je constate dans tes commentaires sur ce
blog ne cadre pas avec ton choix ... Mais j'ai bien du mal à me connaître moi-même, comment pourrais-je prétendre comprendre les "autres" ...
Amitiés